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bienvenu merino - Page 2

  • CARNET DES MINES DE GRAISSESSAC ❘ BIENVENU MERINO

     

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    Couverture du Carnet des Mines

     

    Le village de Graissessac, altitude de 340 mètres, est niché au cœur des Monts d'Orb. Il est dominé par le massif constitué des Monts Marcou, 1093m, Cabanes, 954m et Aigut, 1022m. De leurs sommets on peut voir presque tout le Haut Languedoc et au loin, la mer. Par temps très clair, le mont Saint Clair se détache nettement et l'horizon parait sans limite. Cette petite région compterait environ la moitié de la flore du département de l'Hérault : les prés qui recèlent quelques joyaux, notamment une quarantaine d'espèces  d'orchidées, certaines  rares, sauront exalter les passionnés de la botanique. Graissessac, ancien village minier où le charbon a été exploité sous terre puis en découverte, garde de nombreux vestiges d'une architecture industrielle particulière, tunnels, entrées de mine, cheminées, ponts ; ainsi que des échoppes de cloutiers, comme on appelait les anciens artisans.

    C'est dans cette région que je vécus quelques mois, fasciné par le village, par son intérêt, et où je commençai à arpenter les hauteurs de la montagne où se situaient les anciennes mines, et  me mis à faire des relevés des traces de ce que fut la fossilisation, ces extraits de la terre, nom donné aux débris ou empreintes de plantes ou d'animaux, ensevelis dans les couches terrestres antérieures à la période géologique actuelle. Si un corps organisé se trouve après sa mort, exposé au contact de l'eau ou de l'air humide, il se décompose rapidement, et ses parties solides disparaissent peu à peu. Si au contraire, il se trouve à l'abri de l'air, entouré de substances minérales, qui le pénètrent, sa substance peut disparaître, mais sa forme est conservée : il est devenu fossile. Rarement, les corps organisés sont entièrement conservés ; leur composition a été altérée, modifiée, leurs molécules ont étés remplacées par d'autres moins altérables. Souvent, le corps a disparu, ne laissant d'autres traces que les empreintes de sa forme extérieure et souvent de sa forme interne, comme pour les fossiles du calcaire grossier.

    « L'homme dit civilisé commence à comprendre que le monde vivant n'est pas seulement un spectacle prodigieux, ni un passionnant sujet d'étude, mais un système dont il fait partie intégrante et dont il ne peut s'affranchir impunément. On ne fait que passer partout ; il est inutile de s'attacher et de croire que la planète nous appartient. C'est à la planète que nous appartenons. L'homme reste aujourd'hui le principal ennemi de la nature. De par son comportement et/ou activités, il dégrade chaque jour un peu plus le patrimoine végétal qui assure sa survie. Et j'ai bien peur que tant que la nature sera la source de profits incessants  et souvent importants sa destruction continuera ».

    Vincent Van Gogh, à qui la folie du roi Lear faisait peur disait après avoir lu quelques pages : « Je suis toujours obligé d'aller regarder un brin d'herbe, une branche de pin, un épi de blé, pour me calmer ». Bienvenu Merino


     

    Ce Carnet des Mines à tirage limité, avec préface, textes sur les mines, est agrémenté de dessins au  crayon papier et crayon couleur, d'empreintes de plantes fossilisées et de photographies du village de Graissessac avec vues des emplacements des anciennes mines, ainsi qu'une aquarelle du village de la Voulte où  aimait séjourner Bienvenu  Merino dans les années 1995-1999.

     

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    Graissessac

     

     

  • BIENVENUTO MERINO ❘ DESCENDRE AU CERCUEIL ❘ PINOCHET

     

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    "Augusto Pinochet, depuis 1973 et jusqu'à son incarcération à Londres a incarné le poids de la nuit"

     

     

    Voici un livre (un plus que livre) de Bienvenuto Merino publié à 100 exemplaires. Le mystérieux Bienvenuto Merino est l'autre nom de celui qui posa sa signature sur Diarrhée au Mexique, ouvrage qu'il convient de ranger aux côtés de ceux d'Antonin Artaud, Jean-Pierre Verheggen, Pierre Guyotat et Jean-Pierre Risset. Une sorte de classique contemporain. Publiée, il y a neuf ans, sur beau papier, cette alerte comprend la "Déclaration des prisonniers politiques de la prison de haute sécurité de Santiago du Chili", un extrait d'Extradition et jugement de Pinochet en Espagne, texte lu au grand meeting de la Sorbonne, le 5 février 1999, des dessins de Merino accompagnés de lignes poétiques de Oscar Wladyslav de Lubiez Milosz.

    Les dessins de Merino mettent en scène un cercueil s'apparentant à kit au sujet duquel Merino écrivait en 1999 :  « J'ai un certain goût de l'esthétisme et une lassitude pour les formes banales de constructions répétitives en ce qui concerne les cercueils. Pour Pinochet-général et sanglant dictateur-voici un « lit de mort » hors du commun. Cette position mi-assise, mi-allongée est sans doute la plus fréquente du vieux général, dans l'attente d'une décision du ministre britannique  de l'intérieur. Beaucoup d'hommes et de femmes épris de justice doutent qu'il y ait un jugement de l'ex-dictateur en Europe et encore moins au Chili. Dès 1973, Pinochet avait voulu stopper un processus de démocratisation au Chili ; il avait choisi le coup d'Etat, c'est-à-dire la destruction. « La guerre est le cercueil de la prospérité » presque toutes les religions du monde nous font concevoir la mort comment le jugement dernier ; certains passages de l'Apocalypse précisent que ce jugement ne pourrait avoir lieu qu'à la fin de l'humanité, au moment où l'on sera en mesure de juger d'une manière définitive des conséquences ultimes nos actions dans le monde, qui en fait, nous échappent et sont toujours changeantes. La nature ne nous a point donné un instinct  qui nous permettait de deviner le moment précis de notre mort. Il en résulte que l'idée de la mort n'est pas, pour l'homme, une idée précise, mais un sentiment indéterminé d' « angoisse ». ont ne peut pas dire que l'on ait «peur » de la mort dans la mesure où la peur se réfère à un objet déterminé ; L'angoisse, au contraire, n'évoque pas un  objet déterminé, mais plutôt une présence vague et latente, une possibilité permanente dont les maladies, les dangers extérieurs, la fatigue de l'organisme sont les signes annonciateurs.

    Ce cercueil en pente douce a une forme bien singulière. Quelque part, il attend, même si on sait bien qu'en aucun cas Pinochet n'y reposera ».

    Le bel et fuligineux ouvrage toujours disponible nous rappelle qu'il y a dix ans Londres avait rattrapé Pinochet.

     

    DESCENDRE AU CERCUEIL

    Bienvenuto Merino

    Editions Connaissance

     

  • LE GENIE DE LA BASTILLE

     

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    SQUARE DE LA ROQUETTE


    TROIS  ARTISTES INSURGES INTERVIENNENT

     

    CHRISTIANE BLANC, Roquette et mirabelles

    HERNANI  COR, De la Roquette à la confiture de mirabelles

    BIENVENU MERINO, Il y a comme une espèce de bruit à la Roquette

     

    GENIE DE LA BASTILLE

    Exposition/ Performances

    143 rue de la Roquette

    Face à la rue de la Crois-Faubin

    Samedi 3octobre 16h

     

     

    ROQUETTE ET MIRABELLES

    Sculptures de Christiane Blanc

     

    Rochette : dite roquette, petite fleur (Érica Sativa),  qui  donna ce sobriquet à ce lieu dit, Roquette.

    Mirabelle était l'un des noms donnés à la guillotine, pendant la révolution française.

     

    Rochette, dite roquette, cette petite fleur poussait sur les terrains du couvent des Hospitalières, couvent établit de 1690 à 1789, fermé à la révolution. Le couvent avait son jardin et ses terres étaient cultivées. Il y avait des vignes et des arbres fruitiers, comme des orangers. Le cimetière du couvent se trouvait à l'angle de la rue de la Roquette et de la rue Léon Frot, aujourd'hui occupé par le collège Alain Fournier. Le couvent sera supprimé à la révolution et occupé par une filature sous l'empire. C'est à cet endroit où fut construite la prison de la  « Petite Roquette ». Les prisons de  la « Petite Roquette » (qui devint une prison pour femmes en 1932) et de la « Grande Roquette » ouvertes en 1830 et 1836, fermées en 1974 et 1899, se trouvaient à l'emplacement actuel du Square de la Roquette et du pâté de maisons, de part et d'autre du square. Soixante dix condamnés furent guillotinés à l'angle de la rue de la Roquette et de la rue de la Croix-Faubin. Les cinq dalles servant à l'origine de supports au montant de l'échafaud qui supportaient la guillotine sont encore visibles à cet endroit, à l'emplacement des  stationnements de voitures.

     

    Robert Badinter, Ministre de la Justice en 1981, fit un discours,  à l'Assemblée Nationale, dans son combat contre la peine de mort, se tenant debout, grand, et d'une voix décisive, tranchante et puissante, cria : « Coupés en deux », telle fut son expression pour désigner les suppliciés que l'état envoyait à la guillotine.

     

    Il obtient l'abolition le 30 septembre 1981.

     

    La prison est une excroissance de la société. Elle n'est qu'une reproduction, en plus criard, de l'ordre qui produit des délinquants. C'est un concentré exacerbé de la société, avec toutes ses tares : hiérarchie, arbitraire, rapports de force, délation, lâcheté. Censée réformer ceux qui ont remis en cause l'ordre dominant de la société, elle n'est qu'un purgatoire.

    Combien de voix généreuses ne se sont-elles pas élevées parmi les gens de bonne volonté pour réclamer une humanisation des conditions morales et physiques de détention ! La destruction de l'identité d'un individu soumis à la privation sensorielle se manifeste par des effets conjoints tels que la désorientation progressive, des tendances hallucinatoires et des désordres des fonctions végétatives (augmentation de la faim, de la soif, du besoin de sommeil, du besoin d'uriner). La privation sensorielle est le stade ultime de l'isolement et utilisée parallèlement au « lavage de cerveau ». Combinaison de divers moyens de tortures spécifiques : privation de sommeil, lumière aveuglante, bourdonnements incessants, port d'une cagoule, station debout, la méthode cause un état de stress conduisant rapidement à une désintégration de la personnalité souvent irréversible.

     

    Si des artistes, sculpteurs, peintres, écrivains, aujourd'hui interviennent Square de la Roquette, là, dans ces jardins, où il n'y a pas si longtemps s'exerçait le droit de mort et l'exécution d'hommes et de femmes,  c'est pour rappeler à ceux qui ne savent pas ou qui aurait peut-être oublié que la peine de mort existait en France jusqu'en 1981. Aussi, faire entendre notre désir que lutter contre des conditions de détention inhumaine ou bestiale est un droit de citoyen pour qu'à l'avenir, des hommes, des  femmes et des enfants ne souffrent plus de la maltraitance qui leur est infligée, où certains des détenus et détenues sont moins bien traités que des fauves, car  la prison , sous sa forme actuelle, n'a qu'un but : détruire celui qui a le malheur d'en franchir les portes . Bienvenu Merino

    In situ

    L’objectif est de créer une proximité et un dialogue avec le public par la médiation artistique, soutenir le développement de la vie culturelle dans les quartiers, modifier la perception de la ville au quotidien, surprendre, interroger, solliciter l’imaginaire. Ainsi, 70 artistes - plasticiens pour des installations In situ vont modifier la perception du paysage urbain habituel.

    Grâce aux installations, aux performances, aux animations, nous attirons l’attention des habitants sur la place essentielle du jardin dans notre vie quotidienne. Le jardin, paysage urbain, sensibilise un large public à la création artistique. 

    Depuis la Révolution, les jardins à Paris sont devenus des lieux accessibles et de sociabilité. Dans le XI°, l’aménagement de jardins publics à la place de la prison de la Roquette et des abattoirs, ou à la place d’anciens locaux industriels vétustes, illustre cette volonté.

      

    Les jardins à découvrir

     

    Square de la Roquette (143, rue de la Roquette),

    Square des Jardiniers (2 passage Guénot),

    Square Colbert (159 rue de Charonne),

    Square Folie Titon  (28 rue Chanzy),

    Square Louis Majorelle (28 rue de la Forge Royale

    Square Raoul Nordling (30, rue de la Forge Royale)

     

    Square Colbert:

    Gabor Breznay

    Yannick Charron

    Barbara Debard

    Gabriela Golin

    Jean-Jacques Lapoirie

    Danielle Loisel

    Tracy mead

    Brigitte Valin/ Guillaume Ponsin,

    Veronic

     

    Square Nordling :

    Seo Guilheon

    Performances :

    Marie Joseph Segretain

     

    Square Majorelle :

    Françoise Anger

    François Fernandez

    Hori Hiroko

    Jisseo

    Anaïs Lelievre

    Stephane Ruault

    Adrien van Nieuwenhuizen

    Yacaluna

     

    Square des jardiniers :

    Ora Adler

    Ute Best

    François Cossen

    Claudio di Palma

    Gab

    Patrick Lipski

    Karine M

    Tatiana Stolpovic

    Jean-Louis Vincendeau

     

    Square de la Roquette :

    Al.Baiti

    Marie Barbé

    Annie Barel

    Christiane Blanc

    Monique Bouquerel /Laurent Grévy

    Jean Chazy

    Corine Sylvia Congiu

    Maîka Devireux/Laurence Le Moyec

    Dominique Gayman

    Charlotte Herben

    Seong-Ha Kim

    Heidi Scheffler

    So 

    Lorna Taylor

    Marie-France Vassel

    Eric Vermeil

    Erick Vilquin

    Performances :

    Anne Gâteau

    Bienvenu Merino

    Hernani Cor

     

    Square de la Folie-Titon :

    Galit Allouche

    Pierre Millotte

    Georges Nadra

    Denis Pa norias

    Sotte au-Kane

    Strojna

    Astrid Vespieren /Anne Durand

    Laurence Vincent / Raphaël Monchablon

    Tohu-Bohu OF /Tinga

    Performances:

    Carol Fonteneau

    Gilles Charrot

     

    PARIS

    GENIE DE LA BASTILLE

    25  ANS DE CREATION CONTEMPORAINE

    INVITES 2009 : ARTITES DE BERLIN

    Expositions/performances

    25 septembre/ 4 octobre 2009 

    Lieux d'expositions /installations d'œuvres

    Mairie du 11e

    Espace Kiron

    Six Jardins et Squares du 11e arrondissement

    Contact presse : Cathy Bion

    cathi.bion@club-internet.fr


    CONSULTER

    LE GENIE DE LA BASTILLE


     

     

     

     

     

  • PORTRAIT DE STAR

     

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    C’est quoi un poète ?  Ci-dessus, le portrait de Mountazer Al-Zaïdi, le journaliste Irakien qui, appliqué, dans un geste d’artiste contestataire, envoya ses chaussures au visage de l’ancien Président des Etats-Unis, Georges W. Bush.

    Mountazer Al-Zaïdi vient d’être libéré ce lundi, après neuf mois de prison. Bienvenu Merino

     

  • LOUIS MERINO, PEINTRE

    Il ne suffit pas d’emporter l’adhésion d’autrui par notre éloquence pour faire triompher la vérité. Si nous nous servons de la séduction, de la rhétorique ou de la flatterie afin de masquer la faiblesse de nos thèses, nous pouvons persuader les autres, mais pas les convaincre. La conviction suppose en effet que celui qui prend parti pour une idée soit lui-même convaincu de la validité de la position qu’il défend. Je connais Louis Merino, mon frère, depuis plus d’un demi-siècle. Vie réelle, vraie, sans artifice, sans théâtre aussi, ni comédie, jour après jour, années après années, sans relâche de travail et d’abnégation presque quotidien. Ce dont je suis sûr, c’est que Louis, le peintre, y croit. Je dirais de mon frère, le démiurge Louis,  qui en Grec, désigne l’ouvrier, l’artisan, celui qui travaille de ses mains. Nous connaissons tous, l’acteur Louis Merino, le comédien talentueux, généreux, le Buster Keaton du Théâtre, dans « Les évasions de Monsieur Voisin » mis en scène par Jacques Nichet et création du Théâtre de l’Aquarium, à la Cartoucherie de Vincennes ; le Premier Ministre espagnol Luis Carrero Blanco, en voltige , dans « La Passion du général Franco » d’Armand Gatti; le professeur, dans « Marabout », « La Trilogie du Nicaragua », pièce sur la torture, de Bruno Boëglin ; Paolo, dans la « Trilogie de la Villégiature » de Carlo Goldoni, au Théâtre de Nanterre-Les Amandiers, mis en scène par Jean Louis Benoit,  etc. Mais là, je parle du peintre, qui donne forme à la matière inorganisée en façonnant ainsi son univers. Louis nous fait une démonstration, à la fois témoignage pictural et outil d’une pensée, je dirais assez rigoureuse, qu’il met en scène sur la toile. Le voilà, peintre. Il n’est pas né peintre mais il le devient depuis quelques années. Il peint des ciels. A ce qui a été  dit : « Si le ciel est le séjour des divinités ; il est aussi le séjour des bienheureux qui viennent les rejoindre ».  Mais peu importe ce discours ! Croire ou ne pas croire ! Je connais bien mon frère, sur ce sujet,  mais s’il a réfléchi à cela, des choses existentielles, son  outil, aujourd’hui, la peinture, le guide vers les ciels. Dans un sens général, le ciel est le symbole des aspirations les plus élevées de l’homme, de la perfection de l’esprit.  Du ciel jaillit la lumière  qui nous éclaire et nous guide. Peindre un ciel est chose difficile. Picasso disait qu’un ciel était  impossible à peindre, et  que les peintres du dimanche s’obstinaient à peindre des ciels, alors que cela était impossible. Si nous distinguons le ciel atmosphérique du ciel religieux ce ne fut pas le cas dans plusieurs traditions qui le voyaient comme une coupole ou une voûte. A la crainte des désastres naturels issus du ciel, orages, foudre, cyclone… s’ajoutait alors la terreur que cette voûte ne soit mal soutenue et ne s’écroule réellement. De certains de ces ciels, on reçoit la lumière, donc, être admis à l’initiation. De façon générale, la lumière est le signe de la connaissance, opposée à l’ignorance. Parfois, dans ses ciels, apparaît une lune, aussi riche en symboles que le soleil ; la lune s’en distingue parce qu’elle ne fait que refléter une lumière qui n’est pas la sienne et qu’elle est soumise à un cycle qui détermine sa forme ou son apparition. J’observe le peintre face au chevalet où est posé le châssis avec sa toile tendue. En trois coups de brosse, le violet apparaît sur la toile. Ce violet résulte de la combinaison du rouge et du bleu ; il allie ainsi la puissance active du rouge avec la sagesse réflexive du bleu. Et il est le point  d’équilibre entre la passion et la réflexion, entre la terre et le ciel. Ce violet, n’oublions pas, a la couleur de la robe des évêques et du cœur des églises, le Vendredi saint. Le peintre Louis Merino le sait. Voyons un peu où il veut en venir.  Selon la mythologie, allaitée par Héra, Héraclès laisse tomber quelques gouttes de lait qui vont former la voie lactée. Se détachant clairement sur le fond du firmament, la voie lactée a inspiré de nombreux poètes. Pour les Incas, elle est le grand fleuve du ciel où le dieu Tonnerre puise la pluie. Et pour les Aztèques, elle est un serpent blanc dévoré chaque jour par l’aigle du soleil. Elle est aussi  le chemin des oiseaux, la couture du ciel ou encore la trace des pas d’un dieu chasseur ou des skies de l’ours, en rapport avec la Grande Ourse. Mais dans toutes les cultures, elle est la voie qui relie le monde céleste et le monde terrestre. On peut parler presque d’exploit en observant  chacun des ciels de Louis : «  Terres rouges d’Aveyron », «Coucher du soleil », « Le Ramage », « Mélancolie », « Tourment », « Terre de Feu », « Rencontre des éléments », « Figuration », « Ciel de Brest », « Espoir », « Nuages bleus », « Crépuscule », « Jardin dans le ciel », « Clair de lune dans l’Aveyron », « Impression de ciel », «Vision ésotérique », « Ciel capitale », ce ciel de Paris, vu au travers d’une petite lucarne de son atelier, là-haut au 7e ciel, je veux dire au septième étage, par l’escalier de service infligeant au peintre, à chaque escalade, un violent effort,  et je sais qu’il doit vraiment y croire, pour renouveler ces efforts aussi  intensifs, mais comme tout homme qui travaille, je  sais qu’il est récompensé, ce que Louis Merino, peintre,  mérite. Cela dit, pour le premier exploit. Le second exploit, est de mettre tous les ciels, tous, dans le train en partance pour Rodez. Et de là, de cette petite gare S.N.C.F. où  il est si souvent arrivé, fier, en terre non promise, des hommes et des femmes vont  acheminer ses œuvres par la petite route, qui mène à la très belle ville de Conques, où ils seront montrés au public, comme un présent, une reconnaissance aux Aveyronnais qui l’ont toujours bien accueilli. Bienvenu Merino

     

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    EXPOSITION DES PEINTURES DE LOUIS MERINO

    et

    délicats coups de pinceaux sur porcelaines

    de

    Françoise de Renéville

    Photographies de Denis Mathieu

    Centre culturel - Mairie de Conques

    12320

    25 juillet - 25 août

    2009

    Vernissage le 25 juillet

    18h

     

  • GUY DAROL REPOND A BIENVENU MERINO

    Au moment où paraît son dernier livre

    FRANK ZAPPA/ONE SIZE FITS ALL COSMOGONIE DU SOFA

    aux Éditions Le Mot et le Reste

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    Guy Darol, enfance à Paris et en Bretagne.

    Dès ses six ans, passionné de lecture, comment en arrive-t-il à l’écriture ?

    Ses livres, dont son récit Héros de papier (Le Castor Astral éditeur), ses premières années vécues rue du Pressoir dans le 20earrondissement de Paris puis, rue des Minimes, à deux pas de la place des Vosges, enfin en banlieue, à Vincennes, sur les traces d'André Hardellet (d’où résultera son magnifique essai André Hardellet, Une halte dans la durée, Le Castor Astral éditeur).

    Le retour en Bretagne, près de Morlaix.

    BM : Bonjour Guy, comment va l’Indien d’Armorique ? Je suis content de savoir que tu te sentes « Indien ». Te reste-t-il, toi qui est très parigo, un peu d’accent de cette langue bretonne qui doit t’être très chère et qui est celle de ta mère qui monta à Paris avant de retourner au pays. Elle conserve toujours cette couleur chantonnée du terroir, je crois. Parles-tu breton?

    GD : L'indien d'Armorique affûte ses flèches. Il voit le ciel bleu, la mer calme. Du soleil d'octobre chaud caresse son front tanné. Mais son cœur entend le verdict des cœurs. Il sait qu'il est urgent d'amplifier le combat. Ami, je ne parle pas le breton, du moins celui que l'université enseigne, surnommé KLT, une combinaison des mille langues qui bruissaient autrefois. Mes parents, natifs du Cambout (Côtes-du-Nord) et de Ménéac (Morbihan) parlaient quelque chose que d'un commun accord, sans barguigner ni se mordre les lèvres, on appelait le patois. Ils patoisaient comme je déballe le jars. Joseph et Agnès patoisaient un parler mélangeant roman, breton et mots orfèvrés par l'instinct poète qui est aussi celui de la survie. Ils découvrirent, avec un étonnement que je partageai avec eux, qu'ils parlaient le gallo. Sans le savoir, ils maniaient un patois qu'à présent l'Université ratifie. Ce gallo (qui de fait est une langue de coursier ; mon grand-père Jean-Baptiste posséda plusieurs juments ; l'une se nommait Voltige) me manque. Et ce que j'en lis, ce que j'en entends est bien éloigné des métaphores filées par Génie, Mathurin, Augustine, Béderi, Victor, Léontine ou Constance. Ceux et celles de mon village, un village aujourd'hui asséché et qui, il y a 35 ans, ruisselait de mille accents, joies, coquecigrues plus ou moins aigues. Car chaque jour était une fête autour de l'abreuvoir, de la bolée, du feu de cheminée. Joseph, mon père et maître regretté, a replié ses gaules, il y a trois ans, emportant avec lui une bonne humeur (inégalée), des chemins secrets dans la broussaille, des images et des formules que j'entretiens (pieusement) comme le bon feu qui un jour s'éteindra. Si le soir fait chanter les rainettes (mais les nitrates, les phosphates, l'agriculture et ses poudres à canon les ont presque toutes dégommées) alors je me souviens de Baptiste, sur le seuil de sa carrée, revissant sa viscope et portant sur l'horizon ce jugement dernier : « Les ernettes chantent é saille i va faire bao demain. » Signe qu'après la nuit, le beau temps régnerait. Quant à ma mère, pauvre petite mère qui vécut son enfance à l'abri des talus, dans le nid des fossés, dehors était sa chambre, à la cloche des champs, ma petite mère n'a plus d'accent. Car étouffé par les mouchoirs du dégoût qu'elle appuya elle-même sur ses lèvres, sur son coeur, partout où transpiraient ses origines de va-nu-pieds. Ce qu'elle fut. Ce qu'elle n'est plus. Mais il lui reste la sauvagerie dont mes flèches sont amidonnées. Ma petite mère entame sa huitième décennie à Josselin.

    BM : Qu’évoque pour toi Hôtel-Dieu ?

    GD : L'Hôtel-Dieu est mon lieu insulaire de naissance, un berceau au milieu de l'eau, mes commencements de marin terrestre. Là je suis né et chaque fois que le piéton (mon père m'exerça à cette fonction en lui ajoutant le côté flâneur) m'en rapproche, mon coeur s'humidifie, mes yeux s'humectent. Je sens une odeur de muguet et le parfum de révolution. Cela eut lieu un premier mai. D'où le nez et l'esprit de rebiffe. Subversif un jour, subversif toujours.

    BM : La Bretagne, Paris, rue du Pressoir, retour au pays breton. Court itinéraire, mais vie bien remplie, n’est-ce pas, Guy ? Quels sont les souvenirs que tu conserves de cette rue du 20e arrondissement, presque légendaire aujourd’hui, où tu vécus cinq ans.  Ne plane-t-il pas, là, au-dessus de cet îlot, le képi du général De Gaulle et la maltraitance d’un gouvernement (De Gaulle, Pompidou, Malraux) à l’égard d’une classe travailleuse et laborieuse, bien que les habitants, installés aujourd’hui dans une rue du Pressoir nouvelle, ne semblent pas du tout s'en plaindre. Veux-tu nous en parler ?

    GD : Ami, ces années-là sont celles du bonheur. Rue du Pressoir, dans un étroit deux pièces privé de ce que nous nommons aujourd'hui le confort, je vécus sans savoir, sans même deviner, que le meilleur avait une fin. Là tout se déroulait à l'infini, sans obstacles, sans heurts. Ça roulait. Et j'étais loin d'imaginer que mes pieds reposaient sur un sol menacé par les machines à pelles et à boules de fonte. Un jour, ma main serrée dans  celle de mon père, je compris. Nos yeux assistaient à l'éboulement de nos fiestas : cendres, fumée retombant sur un tas de gravats. Je venais de constater ce qu'était la fin des rêves et il s'en suivit, logiquement, un malaise tantôt fait d'anxiété, tantôt fait de révolte. Rue du Pressoir est un film qui se déroule chaque jour dans ma tête. Le film d'un immeuble gris, écaillé, au tournant d'une rue au pavé luisant.

    BM : Tu dis : « Je viens du peuple combattu, humilié, mais ne conçois aucune solution dans le sang. » Guy, parfois nous n’avons pas le choix, disons-le clairement, il faut faire ce choix, prendre les armes, malheureusement, si l’ennemi est là, à notre porte, si l’agresseur occupe notre territoire. Non, qu’en penses-tu ? Pendant la dernière grande guerre, hommes et femmes ont pris les armes et s’en sont servis. Il fallait mettre hors de France nos agresseurs ! Tu peux nous parler de tes réflexions à ce propos ?

    GD : J'admets qu'il faille aller au feu sous la menace – et sans doute devons-nous la vie à ceux qui ont donné la leur – mais je ne peux acquiescer au credo qui voudrait que l'émancipation résulterait d'un combat armé. Je ne crois pas en ces meilleurs jours que promettent les révolutions. Cette tentation au contraire m'inspire le dégoût. Elle est la faiblesse des idéalistes. J'appartiens quant à moi à l'espèce des rêveurs. J'ai foi, même si le temps semble long, dans le dialogue des contraires. Je crois en la dialectique qui annule les conflits. Pacifiste obstinément, tout en moi rejette l'idée d'une salvation par le sang. Toute guerre est un drame. Toute destruction est atteinte à mon amour de la vie.

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    BM : Guy, dans l'un de  tes livres bouleversants, Héros de papier, tu dis : « Je fus élevé dans une tanière de luxe, empêché de voir au dehors, obligé de contempler dedans. » La liberté te manquait-elle ? Des privations t’étaient-elles imposées et étaient-elles vécues comme un enfermement qui te mettaient en position de séquestré ou d’animal traqué, interdit.  Tu écris : « Mon esprit passait les murailles ». Te sentais-tu prisonnier ? Et prisonnier de qui ? de quoi ?

    GD. : Unique enfant né de parents venus à Paris pour échapper à la vie dure, je fus entouré de tant de soins que la liberté me manqua. Placé en pension chez les soeurs des écoles chrétiennes à l'âge de quatre ans, je connus la haute solitude des murs que l'on ne peut franchir. Lorsque Joseph et Agnès, mes parents, purent enfin me garder près d'eux, d'abord rue du Pressoir, ensuite rue des Minimes, je n'avais ni le droit de sortir ni celui d'accueillir mes camarades de jeu. Sauf à sentir ma main tenue par des adultes craintifs. On redoutait que la rue me soit un danger. Je fus ainsi enfermé dans de petits appartements qu'aéraient la lecture, la musique et la conversation de mes parents ou des membres de la famille. Il me fallut souvent ruser et même fuguer pour aller vers le dehors et découvrir que le danger ne s'y trouvait pas. La plupart de mes livres racontent cet influx de vie et les circonstances qui me permirent d'échapper à l'emprise de parents qui n'étaient pas calculateurs de tyrannie. Je ressens souvent cette mise à l'écart forcée comme un manque, une carence, puisque mes dix-neuf premières années, à quelques exceptions près, se résument à l'environnement familier. Je constate chez moi une variété d'émotions qui ne doit rien à la diversité des événements. L'école était pour moi le lieu où l'on respire. J'eus des maîtres talentueux et des compagnons de classe vertueux. Ils m'ouvraient la porte du monde.

    BM : Si tu avais pu quitter ce terroir breton et partir loin, dans des  contrées où tu aurais ignoré la langue, la géographie, le paysage, peut-être alors l’aventure t’aurait donné la clé, pour échapper aux griffes qui te retenaient, non ?  Probablement que la compagnie des livres t’a aidé à créer ton propre univers mais peut-être te sentirais-tu plus libre. Tu écris : « On m’a donné le livre pour m’occuper l’esprit. Combattre l’ennui, tuer le temps (...) échapper à la solitude désœuvrée que je peuple d’apparitions ».

    GD. : Des échappées s'ouvraient à moi lorsqu'aux vacances nous revenions en Bretagne. Car alors l'étreinte se relâchait et je pouvais m'imprégner d'images, de sensations. Ma solitude s'en peuplait à délices. Adolescent, mais au prétexte de meilleures performances scolaires, je fus autorisé à franchir les frontières. J'étais envoyé en Angleterre puis en Allemagne. Là, je connus d'autres émois et cette liberté dense qui forge une personnalité. Le goût de la lecture, plus tard l'amour de la littérature, ont toujours volé à mon secours lorsque le manque se faisait trop cruel. Un tel équipement vous permet, sinon de franchir les obstacles, du moins de tenir tête à la détresse. J'eus cette chance : que de bons livres viennent à ma rencontre, qu'ils épaulent ma solitude, qu'ils prennent en main l'enfant désemparé. Mes grands amis se trouvent sur les rayons des bibliothèques. Ils se nomment Charles Dickens, Jean-Jacques Rousseau, Léon-Paul Fargue, Jorge-Luis Borges. Une foule qu'il serait fastidieux d'énumérer. Un écrivain se tient toujours à mes côtés selon le lieu où vont mes pas. Il est certain que je serais autre, ou différemment complété, si j'avais envisagé de partir. Mais je n'y ai jamais songé. Le livre est plus vaste que le monde. Le livre est ma demeure, une demeure au milieu des arbres.

    BM : Guy, quel genre d’enfant, étais-tu ? Si je comprends bien, tu n’étais pas hors-la-loi, ni intrépide, tête brûlée, casse cou, mais, tu l'écris : « Voleur à l’escapade, peut-être, et très habile ». « Jamais une effraction, pas une branche brisée. J’allais à pas de loup, par sentes et buissons ». A te lire, tu étais un gosse bon, gentil, cependant, prudemment, ne faisais-tu pas les coups en douce ? Devenu adulte, et aidé de l’écriture, prends-tu une revanche avec les mots ? Devant la page blanche, tu t’exécutes, tu exécutes librement, avec des mots, carnavalesques ou francs, très francs, comme si tu foutais une patate en pleine gueule à un mec qui t’emmerde. En fait, t’étais un môme bien, et c’est par la lecture et l’écriture que tu t’en sors ! Tu peux donner des coups sans faire trop mal. Tout compte fait, le petit Guy Darol était un enfant sage. Tu étais moins enclin à la bricole explosive, comme l’était l'un de tes potes, toi, tu « mijotais lentement, imbibé de phrases onctueuses, doucement mariné de vocables...» Tu es passé par des envies de nuire, de révolutions, mais jamais d’armes à la main, sauf en plastique. Tu dis bien cela ? Un poète calme mais cependant en ébullition ?

    GD : Joyeux, cher Bienvenu. L'enfant était joyeux, une joie sans rides. En dépit du mauvais temps que le capitalisme en crise (ce qui est le propre du capitalisme) offre à notre décor. Calme par la force des choses, agité au fond, voire agitateur. Ce qui me valut, en 1968, pour avoir professé l'oisiveté, une certaine turbulence (jamais la mise à sac de mon quartier), de connaître l'âpreté d'un conseil de discipline qui décida de mon renvoi du lycée Charlemagne. J'évoquai tout à l'heure mes fugues. Elles étaient nocturnes. Et mon père découvrit alors que son fils savait passer à travers les murs. Une technique souvent employée pour aller humer l'air des rues parisiennes. Je fus une fois pincé, rue Soufflot, et je sus ce qu'était la maison Poulaga et ses volières grillagées. Joseph vint m'en sortir et je crus qu'il me ferait connaître le cuir de ses mains paysannes. Après avoir mené la charrue et les chevaux de la ferme, il fut forgeron puis marin dans la Marchande. L'homme était robuste et leste de ses bras musclés. Je connais le sens exact du mot torlogne. Cette fois, éberlué par l'audace qu'il ne soupçonnait pas, il fut incroyablement paisible. Ce qui m'invita à renouer avec l'aventure. Anguille, agile, il est peu facile de me maintenir longtemps en état d'apnée. Je m'échappe à la manière de ces Hercules de foire qui faisaient autrefois démonstration de leur don, place de la Bastille. J'admirais le spectacle de leurs évasions. Plusieurs fois enchaînés, harnachés de cadenas inviolables, ils parvenaient toujours à retrouver la liberté. Ainsi je vécus, innocent enfant mis aux fers, habile à esquiver toute tentative de me tenir en laisse, soumis et silencieux. Ami, nos chemins se sont croisés car nous possédons l'art de la fugue. Qui pourrait nous soustraire au désir de grand air ?

    BM : Guy, tu as connu, par le plus grand des hasards, dis-tu, les poètes du feu, ceux que la société méprise et que l’école de l’ignorance ne peut évidemment connaître. Quel est ce hasard ? Et que t'ont apporté ces poètes ? En fait, te sentais-tu proche d'eux, de leur rébellion ? Je pense cela à force de t'entendr e dire, enfant : « Si tu ne veux pas apprendre tu garderas les vaches » ou alors certains mômes et  professeurs, au lycée : «  D’où tu viens il te faudra faire tes preuves. » Tu as dû te battre contre cet acharnement, n’est-ce pas ?

    GD : La poésie est le seul guide mais j'ajouterais la philosophie, celle d'un certain Diogène ou du grand Nietzsche. Il me faut ici honorer les noms de Serge Koster et de Roland Brunet, deux Maîtres du service public, qui m'enseignèrent l'exercice de la pensée au temps que j'étais l'élève du lycée Voltaire. D'autres suivirent mais ces deux sémaphores chançardement placés sur mon chemin adolescent, ont été déterminants. Ils me firent découvrir Antonin Artaud, Georges Bataille, Karl Marx, Proudhon et Max Stirner. Inimaginable de nos jours ! Ces lueurs de la pensée en liberté éclairèrent ma jeunesse. Elles me furent données au début des années 1970. Si l'on observe la déliquescence programmée de l'enseignement des Lettres et de la Philosophie, il est utile de souligner que les potaches actuels, et ceux qui les suivront, sont dépourvus de tout espoir quant à la possibilité de penser par soi-même. Pour être complet, il me faut rendre hommage à mon père sévère, mon Joseph (décédé en 2004 et je ne m'en remets pas), attentif à mes professeurs, les vénérant sans l'ombre d'un cillement, et qui fit de moi, d'une façon discutable sur le fond, un lecteur et un lecteur intense. Il ne possédait pas le certificat d'études (se souvient-on de ce brevet indispensable au début des années 1940 ?) mais il avait deviné que les livres étaient un passeport. Je ne connus Noël, fêtes et anniversaires, qu'habillés de cadeaux qui étaient le Livre. Dès que j'eus 14 ans, je lui soumettais chaque semaine une liste d'ouvrages qu'il honorait sans rechigner. Je dois beaucoup à ces professeurs et à ce père qui m'initièrent à la lecture articulée sur le réel. Très tôt, je lus Antonin Artaud, Benjamin Péret et les auteurs publiés par Jean-Jacques Pauvert et Eric Losfeld. J'eus la chance d'avoir pour ami, au lycée Charlemagne, Romain Sarnel, l'un des meilleurs exégètes actuels de Nietzsche, qui m'incita à lire Baudelaire et Rimbaud. Le hasard a toujours posé sur mon épaule une main amie. Je ne l'avais pas cherché. Il se présenta, comme un luxe, à mes soifs qui restent encore à étancher.

    BM : A propos d’un de nos grands poètes, tu écris : « Je pense à Antonin Artaud, pour qui la réalité, souillée de mensonges, n’était qu’une abomination. Il déployait le Merveilleux contre les forces d’envoûtements et lançait des dés de magie. Etendre l’être à une dimension cosmique, s’élargir, exige une énergie constante. C’est une bataille continue. Faut-il se satisfaire des limites tracées du corps dans lequel on jette un voile en damier ? Car aujourd’hui l’homme s’insurge, ce n’est pas qu’il réclame plus d’être, mais l’amélioration de son confort dans une réalité d’images. Et non pour celles qu’il se fabrique, analogies, correspondances, enjambées dans l’imaginaire, mais le catalogue des clichés où il est invité sans cesse à se fournir, à se doper, pour s’élever au-dessus de la boue ». Artaud a souffert, lui qui a traversé les flammes et le feu, mais Guy, actuellement, nous sommes dans une situation critique, tout bouge, ça tangue, l’économie mondiale chute, les « petits », je parle des classes défavorisées souffrent. On veut fermer la gueule aux poètes, aux  écrivains. On vire des gens bien qui se trouvaient, il y a peu, à certains poste clés de la culture. Es-tu inquiet, toi, journaliste et écrivain ?  Je viens de lire, en première page d’un hebdomadaire, Siné Hebdo, ce titre signé Jules Lafargue. Je cite : « Qu’on les pende par les couilles en or ! » Il va plus loin : « Fusiller les riches de but en blanc serait de la folie : Il faut d’abord les mettre en prison et les affamer jusqu’à ce qu’ils aient fait revenir de l’étranger l’argent qu’ils ont caché(…) C’est seulement quand ils n’auront plus rien que nous les fusillerons ». Réponse de journaliste en colère ? Un éclat de mots dans la presse, à la gueule d’une certaine société ? Qu'en dis-tu ?

    GD : Fidèle à Antonin Artaud, j'expédie au néant ceux dont les mots ne sont pas un brise-lames. Fidèle à Antonin Artaud (comme je le suis à Stanislas Rodanski, Jean-Pierre Duprey, Jean-Daniel Fabre, André Laude), je biffe d'un grand trait houilleux toute écriture qui ne jaillit pas des abîmes. Je pourrais ainsi citer d'autres figures qui nous seraient des vigies essentielles, mais le temps agit contre les voyants. Le temps accélère une descente vers des gouffres sans fond ni nerfs. Antonin Artaud fut l'écho de mes vertiges nullement esthétiques. Je ne viens pas de la jeunesse dorée ni d'une histoire acquise à la victoire. J'appartiens au peuple des petits et des faibles. Je suis un petit et un faible et n'ai jamais cherché à rejoindre le courant ascendant. L'ascension, selon moi, est de croître à l'intérieur de notre propre histoire, d'assumer les pentes et d'en revendiquer les splendeurs. Je viens des serfs et des artisans de la Commune. Je suis voisin des anarchistes espagnols et me revendique libertaire. Libertaire et pacifiste. Furieusement libertaire et bravement pacifiste. Ceci dans une époque trouble qui porte en elle les germinations d'un retour au fascisme. Notre époque est fasciste et je ne manque jamais une occasion de le souligner. Peut-être est-il déjà trop tard ? L'école laïque, publique et obligatoire vacille sur ses assises républicaines. L'enseignement de la philosophie est réduit à une silhouette. Les maîtres des écoles primaires (j'insiste sur la formule) sont soumis à l'obligation d'indiquer certains auteurs, suivant une liste définie. L'exercice de la pensée, qui ne peut agir sans une connaissance exacte de notre histoire mondiale, est menacé. Le capitalisme s'effondre, entraînant dans sa déconfiture (prévisible de longue date) un système voué à l'échec, car inégalitaire. Toutes ces indications, désormais parfaitement lisibles, augurent d'une catastrophe qui nous reconduit aux temps féodaux. Nous marchons à l'envers et il y aura des morts. Je le dis en toute conscience. Le baromètre ambiant ne démentira pas. Le citoyen lambda que je suis est avisé et il avise au sein des structures qui lui sont fournies. Je passe le message là où il m'est (encore !) permis de le passer. Sur le front des luttes je me tiens, là où le combat est possible. Quant à l'écrivain : indignation totale. Que me viennent les noms de Benjamin Péret, d'André Laude ou de Guy Debord (d'autres me sont présents mais trop obscurs à nos lecteurs car ils appartiennent à mon rang) et la colère me montent aux joues. Qu'est-ce que la littérature aujourd'hui ? Serait-ce un bizness ? Rien ne me fait signe qu'il en soit autrement. Une réverbération des tares de notre temps : individualisme, égo, carrière perso. Rien qui ne colle aux étriers de mon enfance. La littérature était alors un combat, une mise en péril des puissants et des convenances. J'y suis venu avec le souci d'alerter. Ne possède pas la surface pour donner de l'ampleur à ma révolte. Jamais ne la posséderait. Je fais partie des zigues à plume et à clavier sans surface publique. Hormis la parole que tu me donnes, occasion de saisir le taureau par les cornes, nul ne se soucie de ce que j'en pense. Faible intérêt pour les insurgés du verbe. Tel est le temps, notre temps. Une époque sans souvenir. J'osais dire, avant hier, que le meilleur est à venir mais un bémol s'impose. Peu enclin à la prise d'armes, je souhaiterais lire et entendre plus de colères. Et c'est ainsi que je lis Siné Hebdo et Le Nouvel Attila avec une ferveur impossible à dissimuler.

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    A l'occasion de la publication de Frank Zappa/One Size Fits All/Cosmogonie du Sofa (Le Mot et le Reste, septembre 2008), Guy Darol rencontrera ses lecteurs à la Librairie Dialogues de Brest, le vendredi 31 octobre à 18h.

    LIBRAIRIE DIALOGUES

    Forum Roull

    Rue de Siam

    Brest 29

    GUY DAROL A LA LIBRAIRIE DIALOGUES

    www.librairiedialogues.fr

     

     

     

     

  • BIENVENIDO MERINO ❘ O

     

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    Bienvenu Merino est l'auteur de Diarrhée au Mexique, oeuvre qu'il convient de placer dans le sillage d'Antonin Artaud et d'Arthur Cravan, de François Rabelais et d'Ambrose Bierce, de Francis Picabia et de François Augiéras. Du grand oeuvre alchimique. Un magnum opus. Depuis plusieurs semaines, Bienvenu Merino anime (ou plus exactement agite) avec Josette Farigoul et votre serviteur un site dédié à la Rue du Pressoir, espace réservé aux habitants d'un quartier (Belleville-Ménilmontant) mis en pièces à la fin des années 1960. Le site de la Rue du Pressoir cligne souvent des yeux du côté de Louis Chevalier et de Guy Debord, de Georges Perec et de Clément Lépidis, de Jo Privat et d'Albert Lamorisse.

    Mais Bienvenu Merino alias Bienvenido Merino réserve d'autres surprises ainsi qu'en témoigne ce O, Voyelle voyou voyant et vivifiant.

    Extrait de la préface :

    "Le texte qui accompagne la reproduction de l’œuvre, dans ce fac-similé, a été écrit presque vingt ans après la construction  de l’original sur plaque d’acier en 1985. Je n’en avais jamais eu, auparavant, ce besoin en complément de mon travail pictural. Non que je veuille ici tenter d’éclairer une démarche ou essayer de démêler ce qui est au plus profond de moi, inextricable. Ces quelques lignes et  formes, nées sur l’acier, au charbon de bois, à l’encre et à la craie, frêles comme des ailes de papillon, donnent à l’œuvre, la grâce de l’équilibre et aussi une fragilité, qui évoque la beauté, la douleur et la complexité de l’être et du Monde."

    Edité par Isabelle Venceslas, 2002

    Édition de luxe, petit tirage, numéroté et signé

    Format : 25,5cm x 32cm .

    A commander chez l’auteur

    vent.libertad@free.fr

  • AUJOURD'HUI, LA RUE DU PRESSOIR

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    Hier, la rue du Pressoir
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    Aujourd'hui, la rue du Pressoir
    Photographie Bienvenu Merino

    Ce n'est pas un paysage en ruine mais la conséquence du plan de rénovation urbaine, tel que Louis Chevalier dans L'Assassinat de Paris en a étudié les prémisses. A la manière d'un palimpseste, des constructions se sont substituées aux immeubles érigés au milieu du XIXème siècle où logeaient en parfaite harmonie parisiens de souche et migrants ainsi qu'en témoignent les récits bellevillois de Clément Lépidis. En prévision du retour de Josette Farigoul sur les lieux de son enfance abandonnés par la contrainte de l'expulsion en 1966, Bienvenu Merino a imaginé ce texte d'anticipation où se mêlent l'effroi et la résignation. Le mercredi 9 avril 2008, Josette Farigoul accompagnée de son fils et de Bienvenu Merino ont effectué le voyage. Un pélérinage diront certains mais peut-on parler de catharsis, de guérison lorsque l'on vient contempler l'effacement de sa propre histoire, la rectification pure et simple d'un passé inconfortable mais heureux. A propos de ces transformations brutales menées à coups de boules de fonte et de bulldozers, il convient de consulter Courrier International (www.courrierinternational.com) qui dans son numéro 906 (Dossier Paris épinglé par la presse étrangère) revient, sous la plume d'Andrew Hussey sur la destruction du vieux Paris au motif qu'il regorgeait de vagabonds, de voyous, d'alcooliques, de déviants et d'anarchistes, "tous les exclus de la société qui n'avaient rien à perdre et s'accommodaient très bien du chaos le plus total."  Refuge des "classes dangereuses" (locution inventée et définie par Louis Chevalier, le meilleur spécialiste de l'histoire de Paris), Belleville-Ménilmontant devait disparaître, comme on éradique le risque de peste, la menace du complot révolutionnaire toujours vif. Guy Darol

    Le retour à la maison

    Le soleil  la neige  la pluie

    Multitudes des rues grisées

    Le retour triomphal en secret

    Le parfum du marronnier

    Elle est revenue au berceau de sa reine enfance

    Elle  se tait de ne rien pouvoir dire

    Elle va de par les rues des souvenirs

    Etoufée d’émotion

    Et fragile

    Dans  sa robe pâle elle est plus belle que tout au monde

    Elle s’arrête un pas, devant Notre Dame de la Croix

    Et continue encore des pas et des pas

    Et

    «  Voilà je suis arrivée »

    Elle veut dire mais elle ne dit pas

    « La maison est là ! » Elle dit

    Mais elle se reprend

    « Était là ! »

    Elle montre du doigt

    Elle regarde, s’approche

    Regarde ou était sa maison

    Debout   en   silence,   elle   se   rappelle

    ‘La maison abrite la rêverie et protège le rêveur, elle permet de rêver en paix.

    Il n’y a pas que les pensées et les expériences qui sanctionnent les valeurs humaines. A la rêverie appartiennent des valeurs qui marquent l’homme et la femme en sa profondeur. La rêverie a même un privilège d’autovalorisation. Elle jouie directement de son être. Alors, les lieux où l’on a vécu la rêverie se restituent eux-mêmes dans une nouvelle rêverie. C’est parce que les souvenirs des anciennes demeures sont revécus comme des rêveries que les demeures du passé sont en nous impérissables’

    Josette Farigoul  est venue

    Emue

    Elle repart émue

    Sans que personne ne sache rien.

    Ménilmontant le 9 avril 2008

    Bienvenu Merino



     

  • LE PRESSOIR DE MON ENFANCE

     

    AUX HABITANTS DE MENILMONTANT

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    Le pressoir

    Le premier pressoir que je découvris, à l’âge de cinq ans, était installé dans une grange, à Albas, village du Lot, où j’ai passé quelques  années de mon enfance. Une  double porte en bois s’ouvrait sur la grande rue, offrant ainsi la  vue du pressoir au regard des passants. Cette porte restait toujours ouverte la journée pendant le pressurisation. Je me souviens toujours de la senteur que me laissait les arômes de raisins, sans jamais  y avoir goûté. J’étais bien trop petit pour boire cette précieuse boisson céleste, mais j’aimais respirer le raisin, en portant à mon nez, une poignée de grappes pressurées. A mon retour à la maison, mon père savait  d’où je venais, en voyant mon "nez rouge de clown", comme il aimait dire à chaque fois. Je ne sais pas, si en parlant ainsi, mon père, voyant les années s’approcher de mon âge de raison,  essayait déjà de me dissuader de trop prendre goût à la boisson.

    Ce premier pressoir, me faisait penser à un manège pour adultes, où les enfants se sentaient exclus. Sorte de  très grande barrique faite de lamelles de bois dans sa circonférence pour tenir le tout, deux lames d’acier plat serraient la cuve, formant une belle pièce artisanale. Dans le centre de la cuve,  une vis verticale, énorme, fonctionnait sans cesse pendant la pressurisation, avec de petits  grincements plaintifs et très sensuels ; elle tournait, tournait  faisant s’égoutter par un bec le jus délicieux de raisin.

    A mon âge, je ne connaissais  pas  son fonctionnement ! La cuve semblait tourner seule, comme par magie. Le pressoir, à vrai dire, était  fixé sur un plateau de bois, épais et solide, le tout posé sur quatre grandes roues de fer, de diamètre de plus d’un mètre trente, avec des rayons larges et très épais. L’une de mes tantes, lorsqu’elle parlait du pressoir, disait, le corbillard, non pour sa forme, même si cela y ressemblait un peu, mais surtout, à cause des hommes qui y avaient rendu l’âme en foulant le raisin. Pour moi, qui n’en avait jamais vu d’autres, je trouvais cela extraordinaire, à la fois utile, boîte à musique, et en plus fonctionnel car il délivrait un jus délicieux.

    Il existait divers types de pressoir, mais quel que soit le type, son principe est d’extraire le jus du raisin frais, moût, ou le vin du marc de raisin fermenté. La phase de pressurage est cependant un moment crucial de l’élaboration d’un vin, et le type de pressurage, conditionnera de façon significative les qualités de composés chimiques qui se trouveront dans le vin. Un bon pressurage doit éviter de trop triturer la vendange pour éviter toutes déviances comme les arômes herbacés à la dégustation, les phénomènes d’oxydation  du moût, où les jus trop riches en bourbe. Si ce pressoir était assez rustique, il en a existé des formes plus primitives. Certains apparaissent encore sur des vases de Grèce antique et sur des fresques des tombes égyptiennes. Dans le département du Lot et sans doute aussi dans la  région parisienne il en existait, car la vigne poussait à Montmartre et à Ménilmontant, pour ne citer que ces deux zones. Il existait plusieurs modèles différents de pressoirs. Le pressoir à vis verticale, dont la mise au point remonte à la deuxième moitié du XIXe siècle, que l’on nomme également de type "Coquard" ou "Marmonier", généralement manuel, occasionnellement électrique ou hydraulique.

    Personnellement, avant cette première découverte d’un pressoir, je n’avais jusqu’alors vu que notre voisin, Emile, pressurer  le raisin avec les pieds.  Quand arrivait  le moment, il montait une petite échelle appuyée sur le ventre de la cuve, puis, arrivé en haut, pieds joints, il sautait  à l’intérieur, et  alors il commençait  le foulage. J’ai toujours vu un homme faire ce travail. Les femmes, elles, aimaient tournées autour du fouleur, toujours en slip, très ancré  en triangle d’athlète. En plus, il était bel homme, beau comme un Apollon, brun, toujours souriant. Il plaisait beaucoup aux femmes. Quand aux jeunes filles, elles étaient nombreuses à se le disputer. C’était une tradition ici, dans le village. Un concours où l’heureuse gagnante bénéficiait  d’une  récompense ; c’était à elle, que revenait l’honneur de lui donner le bain des pieds et des jambes. Cérémonie assez rare en France. Je crois même, unique sur tout le territoire de l’hexagone. Les  hommes célibataires avaient, par cette coutume, espoir de trouver ce jour-là, l’élue de leur coeur qui deviendrait peut-être leur épouse pour la vie.

    Certaines jeunes filles savaient mieux s’y prendre que d’autres pour séduire le fouleur en plein exercice dans la cuve et gagner la récompense, que les vieux nommaient  "la prime". J’aimais beaucoup assister à cette cérémonie, ce qui était assez rare pour un enfant de mon âge, tenu très souvent à l’écart de la fête ultime. Cependant, étant débrouillard, je savais toujours le moment  de "l’acte" charnel ainsi que le lieu où il se passait.

    Le fouleur et la baigneuse riaient comme des fous en se chatouillant mutuellement  et en s’enivrant de caresses coquines, avant de d’aller finir l’après-midi dans les vignes et de se coucher sur les couvertures qu’ils avaient emporté, roulées sous le bras, en chantant… Ah!vive le vin!vive le vin, vive le vin qui nous rend si coquin ! Bienvenu Merino

  • BIENVENU MERINO ❘ DIARRHEE AU MEXIQUE

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    Bienvenu Merino en Amazonie

     

     

    Je me souviens à travers le cristal de Bienvenu Merino. Mais le temps sinusoïdal et la mémoire anagogique jouent avec les images. L’Atelier du Gué venait de faire paraître Diarrhée au Mexique. Ouvrage de couverture verte ou brune et je fus présenté à Bienvenido. Les médiateurs étaient Martine et Daniel Delort qui accueillaient le voyageur dans leur thébaïde audoise. Je me souviens à travers un méandre de Bienvenu Merino. Il logeait au dernier étage d’un immeuble situé rue du Montparnasse, à quelques foulées oniromanciennes du Rose Hôtel  de Maurice Fourré. Il m’installa sur une terrasse qui était un toit et nous eûmes une conversation, au milieu des cactus et de la tequila, sans aucun rapport avec les ancêtres de la littérature coprophile. Nous parlions des contemporains de la rue, du hallier, de la sente et des voies maritimes. Nous étions joyeux et peut-être un peu ivre. C’est pour cette raison sans doute que je ne me souviens plus de Bienvenu Merino. C’était en 1976. Le souvenir est vague et même à remous.

    Diarrhée au Mexique reparaît aujourd'hui avec une préface d’Éric Dussert, l’orpailleur des Lettres. Et l’on redécouvre ce grand texte (d’une trentaine de pages) qui fait honneur à la littérature habitée (et non en habits). Car Bienvenu Merino est un voyageur vrai (au sens du beatnik à la Kerouac, à la Théo Lesoualc’h, tout breton est odysséen) qui écuma le monde et particulièrement l’Amérique amazonienne à la recherche du prisme qui décuple. Ce livre est un fragment de son Journal de marche (800 pages) et un chef d’œuvre qu’Éric Dussert a raison d’adosser aux noms d’Artaud et de Sade, de Jarry et de Rabelais. Ce livre est une épreuve pour celui qui l’a écrit. Pour celui qui le lit. Mais une épreuve si héroïque (et érotique, observez le voisinage phonique des deux mots) que l’on doit absolument la recenser au palmarès des grands actes. De quoi s’agit-il ? Effusion scatologique, lyrisme abyssal. Mais encore : récit d’un séjour mexicain ébloui par la céleste praline (Rimbaud, « Sonnet du trou du cul », Album zutique) et toutes les possibilités offertes par l’entrexpression de l’étron et du trou. Tous les orifices sont débouchés. Et c’est le triomphe du déchet. Altière matière. Pâte charnelle et alchimie jodorowskienne. Autant que l’on sache, l’or est lumière céleste et depuis Silesius esprit de terre. Bienvenu Merido effectue la transmutation suprême, celle qui consiste à transformer le voyage en or après une station dans la merde. Son livre (qui lors de sa première parution fut repoussé par certains libraires, y compris La Hune) est un sommet de l’art d’écrire – et de vivre. Ne séparons jamais. Et l’on se dit que dans son Journal de 800 pages, le rare diariste diarrhéique doit retenir de bien belles choses,  grandes pages à humer et à lire. Guy Darol

    BIENVENU MERINO

    Diarrhée au Mexique

    Précédé de Scandale du beatnik par Éric Dussert

    Atelier du Gué

    60 pages, 7€

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    Atelier du Gué

    Lekti-écriture

    Pour en savoir plus sur l’existence de l’étrange voyageur

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